mars
1996
Images mélancoliques
Vie de chien ?
La vie est faite d’un nombre terrifiant de moindres trivialités et de funestes devoirs qui se traînent, se succèdent et s’accomplissent péniblement, jour après jour, mais dans ce vaste espace, qui a le mérite de ne pas être infini, il y a des moments d’une beauté étrange et singulière, fleurs sauvages qui surgissent soudain comme des mirages dans un désert insensé, et qui nous emplissent le coeur et les yeux, et parfois les vases fragiles de la mémoire, comme dans un grand cimetière qui célèbre la vie et non la mort.
Vienne
Ville fantôme où des ombres se promènentJe te rêvais monumentale, tu m’as déçue provincialeVille étrange où les démons ressemblent aux angesMa berceuse d’enfance dût se contenter de peu, ton Danube n’est pas bleuVille triste aux vieilles pierres meurtrieston charme est maladif, tes larmes infiniesVille sirène qui appelle et détruittu vogues en silence au plus fond de la nuitVille désespoir où l’ennui se déchaînetu récites l’amour avec des cris de haineVille vestale aux allures impérialestu te rêves orientale, mystérieuse, travestieVille blasée aux carrosses nonchalantestes vieilles dames renfrognées se plaignent tout le tempsVille souci aux cafés embruméstu n’as que faire de demain, ton passé t’appartientVille berceau de la psychanalyse Freudiennetu arbores le drapeau de ta sombre folieMuse encore des poètes et mécènestu as su inspirer les écrivains mauditsVille joyau des musiciens déchirés qui t’ont tant aiméeVille trou noir où le temps t’est soumisVienne, port sans eau où l’ennui se déchaîneTu détiens le secret de ma mélancolie
Venise
Mon bonheur est dans ma souffrance, mon savoir dans mon ignorance, mon courage dans ma peur, et ma faute dans mon ignorance. Je ne joue à l’opacité que par amour de la transparence ; j’aime la bonté parce qu’elle est partout trahie, la vérité parce qu’elle m’est inconnue, la beauté et l’harmonie, ces fabuleux masques de tristesse qui m`nent au rêve...Le rêve, parce qu’alors même qu’il se dénonce, seul peut nous rapprocher du bonheur.Venise est un reflet de cette beauté, de cette tristesse, et pour cela ses rues sombres et le vert effacé de sa lagune m’ont éblouie comme une lumière aveuglante.La beauté seule a ce pouvoir de me réconcilier à la vie, autant que de me la faire haïr.Elle a plusieurs noms (parfois je l’appelle amour, parfois mélancolie). Elle me dévaste et me régénère comme un éclat de rire empreint de gravité ; et je crois de nouveau à l’unité des débris dont est fait ce monde, au silence des mots, et à l’éloquence de ce silence.
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